TÉMOIGNAGES
SUR
LE PÈRE
JUAN G. ARINTERO
DEUX TÉMOIGNAGES DU P. RÉGINALD GARRIGOU-LAGRANGE
(1877-1964)
Colegio Angélico. Roma, Salita del Grillo 1
Mon révérend Père,
je vous prie d’excuser mon retard à vous répondre, causé par une surcharge de travail. Je garde un profond souvenir du cher et vénéré P. Arintero, de sainte mémoire. Je l’ai connu ici à Rome, au cours de la première année scolaire du Collège Angélique (1909-1910), où il enseignait le De Ecclesia. J’admirais sa grande piété et comme son âme était unie pendant la prière : il n’était alors plus de ce monde. J’ai rarement rencontré une âme aussi contemplative, aussi unie à Dieu, aussi abandonnée dans les épreuves de toutes sortes, qui ne lui ont pas manquées. En outre, il était très bon, très charitable à l’égard de tous et ami de la pauvreté et des pauvres.
Il me donna le conseil de consacrer une heure à l’action de grâces après la célébration de la sainte messe, comme il le faisait lui-même, en suivant le conseil d’une religieuse contemplative.
Il m’aida aussi à déterminer le plan d’une retraite pour des religieuses, que j’ai prêchée souvent depuis lors. Il me conseillait de consacrer des instructions spéciales sur la croix, la prière, la docilité au Saint-Esprit.
A cette époque j’ai lu son Evolución mística, qui eut sur moi une grande influence et m’apporta des éclaircissements sur des points importants, que j’ai essayé d’exposer aussitôt selon la doctrine de saint Thomas. Pour cette raison, je dois considérer le P. Arintero comme un Maître qui m’a beaucoup enseigné.
Comme lui, j’ai toujours enseigné que la contemplation infuse, procédant de la foi vive illuminée par les dons du Saint-Esprit, est la voie normale de la sainteté.
En France, la doctrine du P. Arintero fut bien accueillie, en particulier par La Vie Spirituelle, qui s’est fréquemment inspirée d’elle depuis 1919. Une partie des oeuvres mystiques du P. Arintero fut traduite en français par le P. Paul Gouin, curé d’Avoise, dans la Sarthe (1) ; mais cette traduction n’a pas pu être éditée surtout à cause des difficultés économiques de la crise actuelle.
Je dois ajouter que, lorsque dans la direction d’âmes expérimentées, j’ai rencontré des cas extraordinaires, difficiles, je m’adressais au P. Arintero pour demander l’aide de ses conseils et de ses prières. Là encore il m’a éclairé : je lui ai demandé d’écrire lui-même à une âme soumise à de terribles épreuves (2) que personnellement je ne savais plus comment soutenir ; il le fit avec une grande prudence et une grande bonté, et cette âme, qui lui en est demeurée très reconnaissante, s’en être trouvée plus forte pour porter sa croix jusqu’au bout.
Tels sont, cher Père, mes souvenirs. J’ajouterai pour terminer que, loin de penser que le temps consacré à la prière était perdu pour l’étude, le P. Arintero croyait, avec saint Thomas, que c’est surtout dans la prière qu’apparaissent, dans toute leur élévation et leur clarté, les principes supérieurs qui illuminent des traités entiers de dogme et de morale.
La prière était pour lui le point de vue à partir duquel on jouit de la plus haute perspective spirituelle. Cet homme, si travailleur non seulement par principe mais aussi dans la pratique, plaçait la prière au-dessus de l’étude, l’exercice des vertus théologales, de la vertu de religion et des dons au-dessus de l’activité naturelle de l’esprit dans le travail théologique. Ainsi, il ne perdait jamais une minute : un long voyage, par exemple, était pour lui l’occasion de longues heures de prière, dans laquelle il voyait mieux et de plus haut tout ce qu’il devait faire. C’était véritablement un homme de Dieu dans toute la force du terme.
Je vous prie d’accepter, mon révérend Père, tous mes voeux pour le travail que vous avez engagé à cet égard, comme expression de ma religieuse et fraternelle affection en Notre Seigneur et en saint Dominique.
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Fr Réginald Garrigou-Lagrange
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(1) L'abbé Paul Gouin était proche des Maritain, qu'il a accueillis du 18 septembre au 22 décembre 1939, avant leur départ pour les États-Unis. L'abbé Gouin avait une grande dévotion pour Notre-Dame de La Salette, au sujet de laquelle il a publié trois volumes sous le titre Pour servir l'histoire réelle de La Salette [Nouvelles Éditions Latines, 1963-1966].
(2) Cette « âme soumise à de terribles épreuves » était la Mère Françoise de Jésus (1877-1932), fondatrice de la Compagnie de la Vierge. Le P. Garrigou-Lagrange, qui était son directeur, a publié sa biographie sous le titre Mère Françoise de Jésus : Abrégé de sa vie et extraits de ses écrits (Éd. DDB,1937).
La réponse du P. Arintero, datée du 17 juin 1927, est intégralement publiée dans cet ouvrage.
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
« Vous qui êtes ici, dites un Pater à mon profit.
Pour moi ferez beaucoup et vous n’y perdrez mie. »
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