INTRODUCTION AU CANTIQUE DES CANTIQUES (7)
En général, l'obscurité de ce livre vient avant tout de l’élévation même des idées et de la hauteur de sentiments qui sont les siens. Ceux qui ne sont pas plus ou moins initiés aux ineffables mystères de l’amour divin ne peuvent le lui reprocher. En effet, ainsi que le dit F. Luis de León, cette obscurité, ou cette difficulté intellectuelle, se retrouve « dans toutes les Écritures où sont expliquées quelques grandes passions ou affections, principalement celle de l’amour, qui semblent confuses ou avoir échappé à la raison. Celui qui aime éprouve très fort ce qu'il dit. Il lui semble qu'en partageant ce qu’il ressent, il est compris des autres. La passion, avec sa force et son incroyable élan, lui arrache la langue et le coeur en se portant d'une affection à l’autre. De ce fait, ses raisons sont coupées les unes des autres parce qu’elles suivent le mouvement de la passion dans l’âme de celui qui s’exprime. Celui qui ne ressent ou ne saisit pas la même chose ne peut que mal en juger ».
C’est pourquoi, dit saint Bernard, « il ne faut point, dans cet épithalame, considérer les paroles, mais les affections et les mouvements. En effet, l'amour saint, qui est le seul objet et la matière de ce livre, ne se réduit pas à des paroles ou à un langage mais s’exprime en oeuvres de vérité. L'amour y parle partout. Et, si quelqu'un veut en acquérir quelque intelligence, il faut qu'il aime. En vain, celui qui n'aime pas écoutera ou lira ce cantique d’amour. Les discours enflammés ne peuvent être compris par une âme froide. Car, comme la langue grecque ou latine ne peut être entendue de ceux qui ne savent ni le grec ni le latin, ainsi en est-il de ce langage d’amour ; il est étrange et barbare à ceux qui n'aiment pas » (Sermon 79 in Cant.).
Encore ne s’agit-il pas de n’importe quel amour. Pour bien le comprendre, ajoute saint Bernard, il faut avoir l’amour de ces âmes qui aspirent vraiment à l’union mystique. C’est alors, ainsi que l’observer saint Laurent Justinien, que l’on apprend, au contact du Verbe divin lui-même, l’art d’aimer et son langage de l’amour (1).
« La seconde chose qui apporte de l’obscurité, poursuit F. Luis de León, c’est la langue hébraïque dans laquelle l’ouvrage a été écrit, et de ses propriétés par lesquelles elle s’exprime en peu de mots, par des arguments très courts, avec une grande diversité de sens, ce à quoi il faut ajouter le style et le jugement porté sur les choses en une époque et en un milieu qui sont si différents des nôtres. De là viennent que nous semblent si étranges et nouvelles, voire de mauvais goût, les comparaisons que l’on rencontre dans ce livre, lorsque l’époux ou l’épouse veut louanger la beauté de l’autre ».
9. OPPORTUNITÉ DE L’OUVRAGE
Voilà pourquoi il est convenable et même nécessaire d’expliquer cet ouvrage clairement et de le mettre à la portée de toutes les âmes pieuses qui désirent ardemment être encouragées et édifiées par une aussi sainte lecture. Que cette lecture soit opportune, voilà qui est indiscutable, en dépit de toutes les préventions contraires. La sainte Église met entre toutes les mains le Bréviaire, en désirant que tous y prennent part, comme jadis, dans la prière liturgique. Or nous voyons bien qu’y figure quasiment tout le Cantique. Ses très belles lectures embaument de parfums divins les fêtes de la très Sainte Vierge et des saintes les plus embrasées de l’amour de Dieu, et elles enchantent toutes les âmes pures. Le Bréviaire est lu ou entendu de tous ceux qui comprennent le latin (au demeurant traduit), qu’il s’agisse d’hommes, de femmes, d’adultes ou d’enfants. Et ce qu’ils ne voient pas, il suffit d’une explication simple et concise pour leur permettre de le comprendre correctement afin qu’ils en tirent les fruits que l’Église désire pour eux.
C'est sans aucun doute ce qui a poussé saint François de Sales à essayer de rendre d’une certaine manière accessible le Cantique à tous les lecteurs de sa Vie dévote.
Ceci nous a poussé nous-même à essayer de l’expliquer en détail à nos élèves dans un cours d’Écritures Saintes donné en 1915-1916, afin qu’ils puissent bien le comprendre au choeur, et soient à leur tour en mesure de le proposer saintement en chaire, sans s’exposer à en faire les citations désastreuses auxquelles sont si souvent exposés ceux qui ne l’étudient pas. Par la suite, nous avons jugé prudent d’accéder aux pieuses demandes de religieuses très dévotes (Les Réparatrices de Madrid), qui, pour leur plus grand bien, nous ont demandé de leur exposer au cours de brèves instructions les grands mystères de la vie spirituelle qui y sont enseignés de manière si complète et si merveilleuse. Et comme l’une d’elles (M. María del G. P.) a pu prendre des notes de ces exposés, en les résumant aussi fidèlement que possible, il nous a paru convenable, en raison de l’intérêt que plusieurs personnes ont bien voulu tirer de ces notes, d’accéder à une double demande de les publier rapidement, telles qu’elles étaient sous leur forme simple et résumée, afin qu’elles puissent être utiles à de nombreuses bonnes âmes qui s’en contenteraient, et de les développer ensuite, pour une plus grande utilité, en présentant un exposé plus complet et plus détaillé, dont l’objet serait de satisfaire les attentes de ceux qui ne se contenteraient pas de si peu.
Après la première publication, que nous avons intitulée Exposé très bref du Cantique des cantiques (2), selon la version du Père Scio, pour l’usage des personnes spirituelles (3), nous pensons que le moment est venu de procéder à la seconde, plus étendue, sous ce nouveau titre d'Exposition mystique du Cantique lui-même.
Notes
(1) « L’art d’aimer s’apprend de l’enseignement du Verbe. Ceux qui savent le mieux ce qu'est l’amour sont ceux à qui la Sagesse de Dieu s’adresse » (s. Laurent Justinien, De casto Connubio, c. 14).
(2) Declaración brevísima del Cantar de los Cantares.
(3) Vergara, tipografía de El Smo. Rosario, 1918, 48 páginas en 4.° (épuisé).
ARINTERIANA
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Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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