INTRODUCTION AU CANTIQUE DES CANTIQUES (5)
7. EXCELLENCES DU CANTIQUE
Il n’y a pas de poème comparable à celui-ci, ce pourquoi il est qualifié de Cantique par antonomase (1). Quelles lectures, peut-on demander avec saint Bernard (Sermon 1 in Cant.), pourraient être plus agréables, plus instructives, plus édifiantes et plus délectables que celle des ineffables mystères cachés sous les apparences de ce divin épithalame, qui s’ouvre par un signe de paix et un baiser du véritable Salomon à son Épouse l’Église et à toutes les âmes justes, pour s’achever sur les plus extraordinaires démonstrations d’un amour infini ? Il ne fait aucun doute, poursuit-il, que cet admirable poème, par la grandeur de son objet, et par son onction et sa douceur singulières, excède non seulement tous les poèmes profanes, mais également tous les autres Cantiques des Saintes Écritures elles-mêmes, dont il contient les fruits (2).
Que ceux qui le savent par expérience le fassent ainsi connaître, et que ceux qui n’ont pas encore goûté ses ineffables délices les écoutent, et s’enflamment du désir non seulement de connaître théoriquement ces délices mais de les expérimenter.
C’est pourquoi il faut espérer que, comme le disait Fr. Juan de Los Angeles, « les fruits de cette leçon seront grands. C’est un jardin spirituel pour le bien des âmes, où elles pourront faire des bouquets très parfumés de différentes fleurs pour leur consolation et leur divertissement. Là, vous verrez ce qu’est l’amour de Dieu, ce qu’il peut et ce à quoi il oblige, ce qu’il atteint et ce dont il vous détourne. Là, vous connaîtrez vos difficultés, si variées, et la manière dont elles sont étudiées, si différemment de ce qui est aujourd’hui présenté par des personnes qui se disent spirituelles. Ainsi, beaucoup seront détrompés et réduits à la vérité » (3). Ils pourront ainsi, en effet, trouver « d’admirables textes pour nourrir leur désir, s’il existe, de tirer profit de la théologie mystique et de la communication avec leur Dieu par les exercices de l’amour gratuit, fruitif et séraphique qui est le fondement de ces Cantiques ».
Ainsi, à la lecture de la description faite par l’Esprit Saint de ces noces spirituelles et de l’affection réciproque des Époux, nous devons écarter de notre esprit toute idée basse et terrestre susceptible de nous être suggérée par des unions humaines, pour ne nous attacher qu’aux très hautes vérités que ces analogies offrent aux intelligences pures et assoiffées de Dieu.
Tout ce qui nous est apporté là nous servira alors à mieux comprendre progressivement cette ineffable union que l’Esprit d’amour lui-même veut établir entre Jésus et les âmes.
« Tu dois prendre garde, disait encore saint Bernard (Serm. 45 in Cant., n. 7-8), que c’est le Saint-Esprit qui parle ici et, de ce fait, qu’il est nécessaire de comprendre spirituellement les choses dont nous parlons. Aussi, toutes les fois qu'on vous dit, ou que vous lisez, que le Verbe et l'âme parlent ensemble, et se regardent l'un l'autre, ne vous imaginez pas qu'ils échangent entre eux des mots corporels, ni qu'ils se voient l'un l'autre par le moyen d'images corporelles. (…) Le Verbe est un esprit, l'âme en est un pareillement ; ils ont leur langue pour se parler l'un à l'autre, et se faire connaître qu'ils sont présents. La langue du Verbe c'est la faveur de sa bienveillance, et celle de l'âme, c'est la ferveur de sa dévotion, l'âme qui n'a point de dévotion, n'a point de langue, elle ne saurait parler, et ne peut s'entretenir avec le Verbe. (…) Par conséquent, pour le Verbe, dire à l'âme qu'elle est belle, et l'appeler son amie, c'est répandre en elle la grâce qui le fasse aimer d'elle, et lui fait penser qu'elle est elle-même aimée de lui. De même, lorsque l’âme à son tour appelle le Verbe “son bien-aimé” et confesse qu'il est beau, c'est qu'elle lui attribue sans fiction et sans déguisement, la grâce qu'elle a de l'aimer et d'être aimée de lui, c'est qu'elle admire sa bonté et s'étonne des faveurs qu'elle en reçoit ».
Toutes ces choses sont comme des charbons enflammés pour embraser les cœurs purs et généreux dans l’amour divin, et pour les encourager à correspondre dignement à Celui qui nous aime tant.
Néanmoins, il y aura toujours d’autres sortes de cœurs, grossiers, incapables de percevoir au travers de ces images matérielles empruntées à l’amour sensible, les ineffables merveilleuses du bel Amour, cet autre amour tout à fait céleste, hautement spirituel et divin, dont ils ont à peine connaissance.
À ces derniers, je dirai que ces choses si saintes ne sont pas faites pour eux, parce que des perles aussi précieuses ne doivent pas être jetées à des pourceaux (Mt. 7,6) (4).
C’est pourquoi les Hébreux prenaient grand soin de ne pas laisser lire ce livre avant un âge bien mûr capable de saisir à tout le moins que la plus grande révérence est nécessaire pour entreprendre sa lecture.
Nous, chrétiens, n’avons pas à craindre une telle interdiction, parce que nous avons reçu les prémices de l’Esprit Saint pour nous libérer, si nous le voulons, de l’esclavage de la lettre qui tue, et pour nous édifier par la divine charité qui resplendit en ce livre, en le comprenant selon l’esprit qui vivifie (1 Cor., 3,6) (5).
Nous avons tous besoin d’avoir quelqu’idée de cette très haute doctrine, pour pouvoir vivre avec la perfection désirable (6).
Tous les parfaits, disait déjà très bien Clément d’Alexandrie (Stromat. 1, V, c. 10), doivent connaître la doctrine mystique. C’est pourquoi il est nécessaire de la mettre à la portée de tous, afin que tous puissent parvenir à être et à se montrer en vérité « parfaits dans le Christ ». « Le Christ, disait saint Paul, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ » (Col., 1,28). C’est pour cela qu’il portait tant d’attention aux fidèles, afin qu’ils fussent remplis de sagesse et d’intelligence spirituelles, pour bien connaître la volonté de Dieu et savoir lui plaire en toutes choses. « Depuis le jour où nous en avons entendu parler, nous ne cessons pas de prier pour vous. Nous demandons à Dieu de vous combler de la pleine connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle. Ainsi votre conduite sera digne du Seigneur, et capable de lui plaire en toutes choses ; par tout le bien que vous ferez, vous porterez du fruit et vous progresserez dans la vraie connaissance de Dieu » (Col., 1, 9-10).
Notes
(1) « Il excelle au-dessus de tous les autres Cantiques » (s. Thomas, praeam. In Cant.) Omnia alia Cántica superexcellit ». Même d’un point de vue humain, dit Fillon, « le Cantique, d’un aveu unanime, est l’un des plus beaux et des plus sublimes produits par l’art poétique, voire le plus beau de tous ».
(2) « Il est en effet d’autant plus sublimes que tous les autres cantiques, qu’il appelle à des fêtes nuptiales plus sublimes » (s. Grégoire le Grand, Prol. In Cant.).
(3) Considerac. sobre el Cant., Prael. VI.
(4) « Celui qui se met à lire ce livre avec des yeux profanes et un cœur plein d’amour charnel, dit Petii,(Introd. in Cant.), y trouvera la lettre qui tue, et non pas l’esprit qui vivifie ».
(5) « Si tu aimes la chair, tu ne recevras pas l’amour de l’Esprit. Si en revanche tu regardes de haut les choses corporelles (…) tu pourras saisir l’amour spirituel » (Origène, in Cant. Homélie 1).
(6) « Toi donc, en tant que spirituel, écoute spirituellement les paroles d’amour qui sont chantées, et apprends à porter le mouvement de ton âme et le feu de l’amour naturel vers des choses meilleures, selon qu’il est écrit : “aime-la, et elle te servira” (Prov.,, 4,8) » (Origène, in Cant., 2e homélie).
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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