LA VIE MYSTIQUE DE SAINTE THÉRÈSE DE L'ENFANT-JÉSUS (8)
L'union transformante en Thérèse
Est-ce que Thérèse connut la “plénitude du mariage spirituel”, auquel, de fait, on croit que très peu parviennent, même parmi les saints canonisés ? Nous n'en avons pas de preuve et nous ne pouvons citer rien de certain. Tout se réduit à de simples conjectures. Quelques-unes sont peu fondées, qui ne valent pas la peine d'être examinées, alors que nous avons une multitude de choses certaines à admirer dans cette sainte si sympathique, qui aimait tant la vérité et sa propre petitesse.
Ce dont il ne nous est pas permis de douter, c'est que son union intime avec Dieu se resserra de plus en plus, jusqu'à ce qu'elle fût entièrement possédée par Lui, jusqu'à ce qu'enfin ses vertus, et surtout sa charité, eussent atteint le plus haut degré de perfection et d'héroïsme.
« Je le sens, s'écrie-t-elle, lorsque je suis charitable, c'est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j'aime toutes mes sœurs. »
C'est ceci qu'il nous importe surtout de savoir et ce que nous devons imiter. Quant à cette intime transformation, qui, passant des puissances ou facultés agissantes de l'âme, va jusqu'au plus profond de l'être et le laisse comme déifié, ainsi que l'expliquent saint Jean de la Croix dans la Vive flamme d'amour et sainte Thérèse dans la septième « Demeure », nous n'avons rien à dire. En effet, de ces hautes et ineffables merveilles, des touches divines et substantielles qui les produisent, de la prodigieuse manifestation des Trois divines Personnes, qui est considérée comme absolument nécessaire pour l'union pleine et stable du mariage spirituel, nous ne voyons en elle aucune marque évidente. Nous n'y voyons pas, non plus, ces dernières purifications de la nuit obscure, dans laquelle l'âme reste comme réduite au néant et accablée sous le poids immense de la grandeur et de la justice divine.
Dans cet état, en effet, l’âme se croit dépourvue des vertus théologales — qui arrivent pourtant ainsi à leur perfection — et souffre, pour ainsi dire, la peine du dam, avec les horreurs de l'enfer, tandis que, par la partie supérieure de l'esprit, elle jouit presque continuellement de Dieu. Or, ni dans les souvenirs de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, ni dans ses écrits, nous ne trouvons de signes très nets de cette mystérieuse séparation de l'âme et de l'esprit, qui est, elle aussi, nécessaire pour arriver à la pleine transformation ; non plus que de beaucoup d'autres choses dont parlent les auteurs spirituels et que les âmes qui éprouvent, de nos jours, ce renouvellement mystique, perçoivent très bien. Et ce n'est pas étonnant, puisque sainte Thérèse fut fauchée en sa fleur.
Elle devait mourir au printemps de sa vie, et, de là-haut, remplir sa mission essentielle : « Je sens, disait-elle, que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer mon Dieu comme je l'aime... de donner ma petite voie aux âmes. Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre » (Vie, chap. XII).
Cependant, elle prouva qu'elle possédait déjà un peu et même beaucoup d'union transformante, lorsqu'elle put dire qu'elle se sentait indifférente à tout, même à vivre ou mourir, excepté au seul amour de Notre-Seigneur : « Maintenant je n'ai plus aucun désir, si ce n'est d'aimer Jésus à la folie ! Oui, c'est l'AMOUR seul qui m'attire. Je ne désire plus la souffrance, ni la mort, et cependant je les chéris toutes deux !... J'ai cru, dès ma plus tendre jeunesse, que la petite fleur serait cueillie en son printemps : aujourd'hui, c'est l'abandon seul qui me guide, je n'ai point d'autre boussole » « Le Seigneur m'a prise et m'a posée là ! »
Nous remarquons aussi, en elle, deux des marques que saint Jean de la Croix donne de cette transformation : considérer son salut comme certain et se croire exempt des peines du purgatoire :
« Quelques jours après mon offrande à l'AMOUR MISÉRICORDIEUX, je commençais au chœur l'exercice du Chemin de la Croix lorsque je me sentis blessée d'un trait de feu si ardent que je pensais mourir... Il me semblait qu'une force invisible me plongeait toute entière dans le feu... Oh ! Quel feu ! Quelle douceur !...
« Ah ! Depuis ce jour, l'Amour me pénètre et m'environne ; à chaque instant, cet amour miséricordieux me renouvelle, me purifie et ne laisse en mon cœur aucune trace de péché.
« Non, je ne puis craindre le purgatoire ; je sais que je ne mériterais pas même d'entrer avec les âmes saintes dans ce lieu d'expiation ; mais je sais aussi que le feu de l'amour est plus sanctifiant que celui du purgatoire. Je sais que Jésus ne peut vouloir pour nous de souffrances inutiles et qu'il ne m'inspirerait pas les désirs que je ressens s'il ne voulait les combler. »
Voilà donc, dans toute sa charmante simplicité, la vie mystique de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus. Si elle arriva ou non à l'union vraiment stable du Mariage spirituel, encore une fois nous n'avons pas de raison suffisante pour l'affirmer. Ce qui est certain, c'est qu'elle parvint à ce degré héroïque de vertus qui devait remplir le monde de la bonne odeur de Jésus-Christ et gagner tant d'âmes à son amour.
Les grâces extraordinaires
Nous avons dit que les faveurs extraordinaires ne manquèrent pas dans sa vie — comme elles ne manquent jamais, totalement, dans la vie ou dans la mort des saints.
Parmi celles dont Thérèse fut gratifiée, nous devons citer, avec la vision prophétique, concernant son bon père, sa guérison miraculeuse et le visible sourire de la très Sainte Vierge.
Peut-être pourrait-on qualifier d'extraordinaires, encore, les grâces qu'elle reçut à Notre-Dame des Victoires et son rêve mystérieux sur la Vénérable Anne de Jésus.
Nous aimons mieux passer directement à la blessure d'amour, indiquée plus haut, qu'elle reçut peu de jours après son offrande à l'AMOUR MISÉRICORDIEUX.
« Ô mon Dieu ! s'était-elle écriée, votre amour méprisé va-t-il rester en votre cœur ? Il me semble que si vous trouviez des âmes s'offrant comme victimes d'holocauste à votre Amour, vous les consumeriez rapidement, que vous seriez heureux de ne point comprimer les flammes de tendresse infinie qui sont renfermées en Vous.
« Si votre justice aime à se décharger, elle qui ne s'étend que sur la terre, combien plus votre Amour miséricordieux désire-t-il embrasser les âmes, puisque votre miséricorde s'élève jusqu'aux cieux ! Ô Jésus, que ce soit moi cette heureuse victime ; consumez votre petite hostie par le feu du divin amour ! »
Cette fois le Bon Dieu ne se contint plus. D'un seul coup il déchira le voile de la foi et l'Esprit de charité embrassa sensiblement « son heureuse victime ». Ce ne fut qu'un éclair, mais un éclair d'éternité qui sans un miracle, aurait suffi, de l'aveu même de la Sainte, pour faire sortir son âme de la prison de son corps.
Les fruits de l'Amour
Les fruits que sainte Thérèse retira de ces faveurs furent admirables ; elle aimait à dire que si toutes les âmes pouvaient en recevoir de semblables, « Dieu ne serait craint de personne, mais aimé jusqu'à l'excès. »
Elle ajoute, dans l'élan de sa reconnaissance : « À moi Il a donné sa miséricorde infinie... Je n'ai plus qu'un désir : celui de L'aimer jusqu'à mourir d'amour. »
ARINTERIANA
Paris - France | 2024 | Tous droits réservés
Exposition en langue française de la vie et des œuvres du Père Juan González Arintero (1860-1928), restaurateur de la théologie mystique en Espagne, grand directeur d'âmes et apôtre de l'Amour Miséricordieux.
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